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IL ÉTAIT UNE FOIS ...

Tout le monde aime les belles histoires d’amour, non ? Pour Nicolas Gilsoul, sa carrière en rallye était écrite avant même sa naissance. (Interview avec Becs Williams)

Merci, Stig!

Tout est parti d’un regard entre deux personnes, qui allait faire débuter la carrière d’un des copilotes professionnels du WRC. Ses parents se sont rencontrés sur un rallye, et c’est là qu’a commencé l’histoire d’un jeune gars passionné par ce sport, qui s’est mis en tête de gravir les échelons pour arriver à son sommet, le Championnat du Monde des Rallyes de la FIA. En 1975, son papa assistait en spectateur aux Boucles de Spa, se réjouissant des passages du ‘Stig’ (Stig Blomqvist, qui allait devenir Champion du Monde des Rallyes en 1984) dans les spéciales. Au bout du compte, Stig n’était pas le seul à attirer son attention. Collette assistait elle aussi au rallye, et c’est sur la spéciale de Awan-Aywaille qu’ils se sont rencontrés. Une relation qui a abouti à un mariage en 1979, avant l’arrivée de bébé Nicolas Gilsoul en 1982. Avec de tels auspices, il était acquis que Nico allait lui aussi prendre le chemin du rallye…

Le papa de Nico était membre d’une association active en sport automobile, l’Ecurie Le Sanglier, s’activant dans l’organisation d’événements, non sans vouer une passion au rallye en tant que sport. Il y a consacré la majeure partie de son temps, et était respecté pour son investissement. Au fil des années, Nico allait assister à de nombreuses épreuves avec son papa, avant de s’impliquer à son tour à ses côtés. Quand bien même son papa aimait le rallye, jamais il n’a souhaité se retrouver dans une voiture, n’ayant pas disputé la moindre épreuve en qualité de pilote, ce que Nico n’a jamais réellement compris…

Enfance et rallye

“Mon papa n’a jamais roulé, et c’est quelque-chose de difficile à comprendre pour moi, comme vous pouvez l’imaginer, car du plus loin que je me rappelle, il a toujours été impliqué dans le rallye, en tant qu’organisateur, directeur de course, et d’autres fonctions les plus diverses. Mon papa est vraiment un ‘bosseur’, il a commencé à travailler à 14 ans et a toujours aimé aider les autres, s’investir dans des organisations d’événements, donner un coup de main aux pilotes et aux spectateurs afin qu’ils puissent en profiter au maximum. Il n’a jamais voulu piloter une voiture de rallye, ce qui a toujours été assez étrange pour moi, car quand j’étais un adolescent, j’étais heureux d’être impliqué dans le club, aidant dans l’organisation et la recherche de partenaires pour monter des programmes en rallye, assemblant des road-books, cherchant des spéciales intéressantes, mais mon but ultime était de m’assoir dans une voiture le plus tôt possible – en fait dès que je serais en possession du permis de conduire ! Ce n’était pas le cas de mon père, et c’était assez bizarre à comprendre pour moi.’’

Même si elle a rencontré l’amour de sa vie sur un rallye, la maman de Nico n’affichait pas la même ferveur que son papa pour le sport auto, quand bien même elle a toujours apporté un soutien total à son mari et son fils.

“Maman regardait juste passer le rallye quand c’était dans son village, elle était plutôt jeune, à 16 ou 17 ans, et elle n’était nullement intéressée par le sport à l’époque. Elle n’était pas aussi impliquée que mon père, mais elle respectait sa passion, sans nécessairement la partager. Depuis que j’ai moi-même entamé la compétition, ils sont heureux de pouvoir m’aider. Lorsque je disputais le championnat de Belgique, ils étaient là à chaque point stop, avec quelque-chose à manger, à boire, tout en contrôlant les temps. Car lorsque j’ai débuté en course, à un niveau régional, il n’était pas possible d’avoir accès aux résultats aussi rapidement que maintenant. Il fallait donc se débrouiller, et si vous vouliez avoir une longueur d’avance sur votre concurrent, il vous fallait calculer vous-même le classement. Mes parents étaient donc toujours là, dans l’ombre, à me supporter.’’

Nico a d’abord assisté à des épreuves avec son père, avant de l’aider dans l’organisation d’événements. A 12 ans, il a pris part à des épreuves de régularité sur route longues de 60 kilomètres, apprenant à lire des road-books et des cartes. Sa passion pour ce qui allait devenir son futur est donc née à ce moment-là. Et il n’y a jamais réellement eu de doute au sujet du côté de la voiture où Nico voulait s’asseoir.

Les premiers rallyes

“Quand j’étais ado, la lecture des cartes et des raod-books me passionnait vraiment, cela me fascinait. Tous les vendredis soir, il y avait des épreuves sur route – j’ai pris part à des épreuves vraiment difficiles, et je pense que c’est pour cette raison qu’en Belgique, on a beaucoup de copilotes talentueux qui savent bien lire les cartes, contrôler la vitesse moyenne. Nous l’avons fait un nombre incalculable de fois, lors d’événements très compliqués, avec des cartes de 30 ans d’âge sur lesquelles certaines routes manquaient. On apprend très vite grâce à ce genre d’exercice. J’ai toujours gardé les pieds sur terre, et je savais que mes parents n’étaient pas en mesure de financer ma passion. Quand j’étais jeune, j’ai eu la possibilité de passer beaucoup de temps avec des personnes plus âgées, et j’ai rapidement compris qu’il me serait difficile d’obtenir l’argent pour acheter une voiture à piloter, et comme je travaillais sans cesse mes aptitudes au copilotage, j’ai tout aussi vite compris que là était ma place. Et lorsque j’ai eu la chance de disputer mon premier rallye, j’ai d’emblée pigé que c’était quelque-chose de très intéressant à faire quand vous êtes jeune. Copiloter une personne plus âgée est en fait très utile. L’expérience est vraiment importante, et si vous avez l’occasion de prendre part à des rallyes avec des personnes plus âgées, c’est mieux que de rouler avec un pote qui est aussi con que vous ( !) – vous allez alors perdre beaucoup de temps en commettant des erreurs stupides que vous pouvez certainement éviter en apprenant beaucoup plus vite si vous décidez de passer du temps avec des pilotes plus âgés. Je les apprécie beaucoup, et cela m’a énormément servi. »

Le premier rallye que j’ai disputé, c’était en 2000 avec une Opel Corsa MK1 Groupe A. L’expérience accumulée par Nico commençait à payer. Il allait continuer à apprendre des membres les plus expérimentés du club, des pilotes qu’il accompagnait et des concurrents. Il accumulait aussi la connaissance que son père pouvait lui offrir dans la partie organisationnelle du rallye. Tout cela a permis à Nico d’être extrêmement impliqué et de développer une méthode de travail qui est toujours d’actualité aujourd’hui. En 1998, il a participé à son premier rallye historique de régularité – et à l’âge de 17 ans, il a fini deuxième ! Un journaliste automobile a d’ailleurs publié un article le concernant, avec pour titre ‘Une étoile est née’. Juste propos !

“Je me rappelle quand je l’ai vu, je l’ai acheté afin de le conserver en souvenir, et aujourd’hui, c’est assez marrant de le relire et de regarder la photo, car dans ma tête, c’était il n’y a pas si longtemps, mais d’autre part, j’avais alors 17 ans, et maintenant, j’en ai 34 ! C’était donc il y a longtemps. Cela fait partie de moi, quand je fais quelque-chose, je le fais à fond et je suis le plan prévu – et cela a fonctionné quand j’étais jeune. Je me mesurais à des personnes plus âgées, des pilotes et des copilotes plus expérimentés, qui avaient 40 ou 50 ans, et qui étaient tous passionnés de rallye historique, et lorsqu’ils roulaient le week-end, ils étaient fatigués après une semaine de travail. Alors que moi, j’étais étudiant – c’était donc facile de dormir durant la semaine ! A cette époque, pour étudier un parcours, on se basait sur une carte, ce qui signifie que quand je suis arrivé en rallye, j’étais un ‘tueur’ comparé à eux ! Et cela les dérangeait un peu de me voir, un peu petit, un peu gras, du haut de mes 17 ans, arrivant de nulle part mais en meure de lire les cartes mieux qu’eux, car je n’avais pas besoin de lunettes ! Pour moi, c’était amusant, car je comprenais qu’ils ne savaient pas s’ils devaient m’aimer ou me détester !’’

En 2002, Nico était en train d’organiser un rallye provincial à Aywaille avec l’Ecurie Le Sanglier. Il avait aidé dans la recherche de partenaires à inclure dans le programme du rallye, détaillant les spéciales, checkant les road-books. En tant que seul copilote membre du comité, son approche et sa vision étaient précieuses, et il a pleinement profité de cette opportunité d’avoir une telle emprise sur l’événement. Néanmoins, quelques jours avant la date du rallye, Nico a reçu une offre pour prendre place dans le baquet de copilote à bord d’une Mitsubishi Lancer Evo7 Groupe N. Une belle opportunité pour un Gilsoul jamais avare en efforts, qui souhaitait plus que tout développer ses talents de copilote.

“Je m’en rappelle bien, c’était une Mitsubishi Evo7, full Groupe N, et prendre part à un rallye provincial avec une telle voiture, c’était quelque-chose de spécial ! A l’époque, j’étais vraiment impliqué avec mon père, et nous étions trois personnes pour organiser le rallye. Un de ses meilleurs amis et moi. J’étais toujours à l’école, ce qui signifie que je consacrais tout mon temps libre à travailler sur le rallye, et trois semaines avant, j’ai reçu cette proposition de concourir en tant que copilote. Je me concentrais à l’époque sur les épreuves provinciales et nationales en Belgique, et j’avais aidé ce gars à rouler avec une voiture du Groupe N toute la saison. Je l’ai assisté, lui, sa femme et ses amis, à tous les points stops pour checker les chronos, exactement comme mon père et ma mère l’avaient fait pour moi. C’était une opportunité de découvrir le rallye, aider un bon ami, et c’était pour lui la manière de me remercier. Il m’a offert la possibilité de le naviguer sur mon propre rallye. J’en ai parlé à mon père, lui faisant bien comprendre que je ne pouvais pas refuser, que c’était peut-être la seule fois que cela arriverait. C’était assez compliqué à expliquer, mais j’y suis parvenu, et nous avons organisé un beau rallye. L’événement avait lieu deux semaines après la finale du championnat national, et de nombreux pilotes allaient venir avec leur voiture, sans même la réviser ou la réparer, avec de vieux pneus. Il leur fallait juste acheter un peu de carburant afin de prendre un maximum de plaisir. Nous avions donc beaucoup de bonnes voitures et de bons pilotes, et j’ai remporté le rallye en compagnie de mon ami. C’était vraiment chouette ! J’ai aussi pu mesurer la différence entre un rallye provincial que nous disputions avec de petites autos, comparé à un moteur turbo, quatre roues motrices, des pneus racing, etc. Car au niveau provincial, nous utilisons des pneus du commerce. Cela m’a vraiment fait gamberger tout l’hiver, car au fond de moi, je savais que c’était VRAIMENT ce que je voulais faire… C’est comme si j’avais un ange et un diable avec moi, le diable disant ‘Hey, il faut que tu dises aux gens que c’était bien’, et l’ange rétorquait ‘Non, il te faut être sérieux, avoir un vrai métier, sinon, tu vas perdre ton temps et ton argent.’’

Bruno Thiry

Avec une belle expérience à son actif, Nico souhaitait poursuivre sa carrière dans le baquet de co-pilote. Mais il comprenait d’emblée combien il était difficile de trouver un travail qui lui offrirait salaire et sécurité. Avec ses parents fort impliqués dans le rallye, et parfaitement conscients de la difficulté d’y faire carrière, la question était : jusqu’où pouvaient-ils le soutenir ?
“Pour être honnête, ils m’ont toujours soutenu. Le deal que j’avais avec mes parents quand j’étais étudiant, c’était ‘si tes résultats à l’école sont bons, alors OK pour les rallyes, mais dès que ce n’est plus le cas, c’est non’. A l’époque, c’était donc juste une passion qui remplissait mes temps libres. Je me souviens très bien du moment où j’ai eu l’opportunité de copiloter Bruno Thiry en 2004. C’était un gros challenge pour moi, car je continuais mes études, tout en me produisant aussi bien au niveau belge qu’européen. A l’école, ce n’était pas trop marrant – c’était difficile. Mais j’étais sûr qu’après la saison, même si Bruno arrêtait, il serait facile pour moi de trouver un autre pilote – mais en fait, ça n’a pas été le cas. Cela dépend vraiment de ce qui se passe sur le marché des pilotes/copilotes. Cela ne dépend nullement du fait que vous soyez bon – vous pouvez même être très bon, mais si vous n’avez pas de pilote avec un programme, il n’en résultera rien. Mais je me souviens qu’après cette saison en 2004, mon père et ma mère m’ont parlé, disant ‘Ok, c’était une belle saison, comme un rêve pour toi, mais maintenant, il faut te rendre compte que ce n’est pas un job pour toi, ce n’est pas la vie réelle. On aimerait dès lors que tu retombes les pieds sur terre et que tu trouves un boulot.’ J’avais un diplôme en poche, et j’étais sur le marché du travail. J’ai vraiment essayé pendant une année. J’avais un job conventionnel en tant que coordinateur dans une société de bus. Mais après une année, j’ai dit ‘Je ne peux plus’, j’étais vraiment triste. Et pas heureux. J’avais essayé de quitter la famille du rallye, mais c’était tout simplement impossible pour moi. J’en ai terminé avec ce travail, et j’ai eu l’opportunité de travailler pour Bernard Munster. Il avait son propre team, et il recherchait quelqu’un qui pouvait fonctionner comme coordinateur, parfois comme copilote, parfois comme responsable commercial, pour vendre des pièces, etc. Quelqu’un qui puisse s’adapter à plusieurs rôles. C’était chouette, j’ai passé une année et demi là-bas, mais c’était vraiment compliqué. Je voulais continuer à copiloter, et quand vous avez le statut d’employé, c’est difficile. J’ai réalisé que je devais absolument devenir indépendant. J’ai alors décidé d’arrêter avec Bernard – en fait, il m’a viré ! Et depuis cette époque, je suis devenu indépendant. En arrêtant ma collaboration avec Bernard, je savais que disputer quelques petits rallyes n’allait pas me permettre de vivre. Il faut pouvoir compter sur un salaire pour survivre. J’avais donc un autre job entre les rallyes, en tant que grimpeur – escaladant les pylônes pour installer des antennes pour les téléphones mobiles, ce qui me permettait de porter un casque ! Ce n’était pas le même genre de casque, mais en fait, j’aimais ça ! J’ai besoin de vivre des sensations, des montées d’adrénaline – je serais incapable de m’asseoir une semaine dans un bureau, j’ai besoin d’action ! Mon ami m’a employé pour faire ce job, et il comprenait ma situation. Je lui donnais mes disponibilités, et il me fournissait le job. Et il était assez facile pour moi de passer de l’un à l’autre. »

L’opportunité avec Bruno était énorme ! Bruno était une source d’inspiration pour de nombreux pilotes, et en 2004, il se retrouvait sans copilote pour la saison. Il avait besoin d’un copilote connaissant le job, et ayant suffisamment d’expérience, et gérer des événements complexes à un haut niveau promettait d’être difficile. Mais il semble que le nom de Nico avait déjà fait son chemin dans la ‘shortlist Thiry’. Le travail abattu par Nico n’était pas passé inaperçu. Mais une sévère gueule de bois a failli tout gâcher, comme l’explique l’intéressé…

“J’ai reçu un appel un dimanche matin. La nuit avant, c’était l’anniversaire de mon oncle, et nous avions festoyé jusque tard dans la nuit. Pour ne rien vous cacher, j’étais ivre en rentrant à la maison ! Le dimanche matin, mon portable sonnait continuellement, et je ne voulais pas répondre. Je voulais juste dormir ! Mais il a sonné tellement de fois que je me suis dit OK, j’ai intérêt à voir de qui il s’agit. C’était en fait mon meilleur ami, que j’avais copiloté à l’époque, et avant même de dire bonjour, il me dit : ‘Acceptes-tu que je devienne ton manager ?’ J’ai pensé ‘What the F… ?!’ Il m’a alors expliqué que Bruno était seul, et qu’on était à deux ou trois semaines du coup d’envoi de la saison, avec un marché du copilote résolument vide. Bruno savait que c’était probablement sa dernière saison en tant que pilote officiel. Je l’avais rencontré un an plus tôt, ce qui avait été très agréable, et il était déjà impressionné par ce que j’avais réalisé dans les événements historiques. C’est ainsi qu’avant de disputer le WRC, j’avais pris part au Monte-Carlo Historique 6 ou 7 fois – j’ai d’ailleurs terminé deuxième et quatrième au général. Il savait que c’était une épreuve difficile, très longue, avec une importante préparation préalable. Il était impressionné par ma méthode de travail et mon professionnalisme. Lorsqu’il avait dû établir une liste des copilotes qu’il souhaitait avoir, je figurais tout en haut de celle-ci. De nombreux amis avaient insisté pour que mon nom soit inclus. Dont l’ex-boss de Citroën Racing Yves Matton, qui est un bon ami de Bruno, et qui a plaidé en ma faveur. Lorsque vous recevez deux ou trois coups de fil de gars qui vous disent que c’est un bon plan d’essayer Gilsoul, cela aide à être séduit par cette idée ! Pour moi, c’était quelque-chose de totalement fou, car je me rappelle que le premier rallye était les Boucles de Spa, qui faisaient toujours partie du championnat national. C’est à 20 minutes de ma maison à peine, nous roulions avec le numéro 1 sur les portières – c’était vraiment génial ! Je me rappelle avoir demandé à Bruno durant les reconnaissances ‘Es-tu sûr que ce n’est pas une blague ?’, car c’était vraiment incroyable, et j’aurais été très déçu si après les reconnaissances, il m’avait dit que c’était une plaisanterie. Heureusement, il n’en était rien ! Pour moi, c’était une opportunité énorme, et le premier rallye que nous allions disputer était dans mon jardin. Mais le deuxième était les Mille Miglia, en Italie, dans les montagnes, ce qui représentait un vrai challenge – c’était et cela reste l’événement le plus difficile auquel j’ai participé. Il y avait beaucoup de très bons pilotes, des Italiens très rapides avec de très bonnes autos. Mais lorsque c’est difficile, c’est à ce moment qu’on apprend le plus. Il faut donc avoir confiance, croire en ses capacités et préparer le travail correctement.’’

Thierry Neuville

Cette période avec Thiry a été synonyme de succès, et ils allaient rouler ensemble à partir de 2004, plusieurs années durant. Gilsoul copilotait différents pilotes durant cette époque. Disputant des épreuves des championnats belge et français, mais aussi des épreuves historiques comme l’East African Safari Classic. Ses débuts en WRC, il les effectuait au Monte-Carlo en 2007 en compagnie de Luc Dewinter. Même s’il était auréolé de succès et apprécié, Gilsoul n’avait pas trouvé de partenaire permanent. Mais cette tendance était sur le point de changer. Le jeune pilote belge Thierry Neuville allait débouler, et il serait rapidement en quête d’un copilote. Mais comment se sont-ils rencontrés ?

“C’est une très bonne question ! En fait, j’ai 34 ans et Thierry en a 28, ce qui signifie que j’ai un peu plus d’expérience que lui. Du moins, quand Thierry a commencé à piloter, j’étais déjà expérimenté, et à l’époque, nous étions de bons amis avec Bruno Thiry. Quelqu’un au Luxembourg avait proposé à Bruno de participer à quelques rallyes au Grand-Duché ou en Allemagne. J’ai disputé ces épreuves avec Bruno durant cette époque, avec la C2-R2 Max. Thierry commençait à piloter, et Bruno est originaire de la même ville en Belgique (Saint-Vith) que Thierry. Comme Bruno est l’un des pilotes belges les plus connus avec Freddy Loix et François Duval, il était naturel pour Thierry de venir le rencontrer. J’étais le copilote de Bruno à l’époque, et Thierry a débuté sa carrière avec un ami. Après deux saisons, il a commencé à se rendre compte que son copilote n’était pas vraiment prêt pour des épreuves de haut niveau. Thierry devait donc trouver une solution, et Bruno a poussé pour que je sois son copilote, arguant que j’étais le meilleur choix – raison pour laquelle Thierry a fait deux rallyes avec moi et deux rallyes avec Nicolas Klinger. Il avait à poser un choix, et je pense que Klinger avait plus de connexions avec le WRC, et qu’il a persuadé Thierry de le choisir. Lors des deux rallyes que nous avions disputés ensemble, nous étions très rapides. Nous avons fini troisièmes au Rallye d’Antibes. En fait, Citroën Racing avait réuni tous les pilotes de Citroën C2-R2 Max en Europe, et cela se passait au Rallye d’Antibes. Il y avait entre 20 et 25 voitures avec les mêmes spécifications, histoire de s’assurer que le vainqueur soit bien le meilleur pilote. Nous avons ainsi battu des gens comme Bouffier et toutes les stars italiennes. Thierry a disputé une saison avec Nicolas Klinger, avant que nous soyons de nouveau réunis. Je n’en connais pas la raison, et ce n’est pas important. Le passé, c’est le passé. J’étais en tout cas très heureux d’être de retour. Nous nous sommes retrouvés, et nous étions immédiatement dans le rythme, luttant pour la victoire à Gran Canaria. Nous avons finalement terminé troisièmes, mais c’était très chaud avec Juho Hänninen. Puis, lors du deuxième rallye, le Tour de Corse, nous avons gagné ! C’était une incroyable sensation ! Les choses ne se présentaient pas bien pour lui, et puis je suis revenu, et les résultats se sont améliorés – mais je n’en suis bien sûr pas l’unique raison. Je pense néanmoins y être pour une partie, et c’est une sensation très agréable.’’

La paire Neuville-Gilsoul était réunie, et cela allait aboutir à une relation excellant dans sa détermination à réussir. Chacun était concentré au maximum pour atteindre le succès en rallye. Et tous les deux savaient que sans travailler dur et se focaliser sur l’objectif, cela ne marcherait pas. L’opportunité de briller en IRC lors d’épreuves aussi classiques que la Corse et le San Remo en 2011 allait forcément leur permettre d’être remarqués. En 2012, ils rejoignaient le Citroën Junior World Rally Team en WRC, partageant la même assistance que le nonuple champion du monde Sébastien Loeb. Ils avaient atteint le niveau le plus élevé en rallye, et ce n’était qu’un début. Leur état d’esprit dédié au travail était plus présent que jamais.

“Nous travaillons vraiment dur, et il nous faut agir de la sorte – tous les pilotes attaquent comme des malades, et il faut au moins faire la même chose, sous peine de finir derrière eux. Par exemple, il est impossible de débarquer en Finlande et dire ‘Oh, j’étais rapide l’an dernier, ça ira !’ – en fait, il faut définir un processus et s’y tenir. Nous sommes assez efficaces, quand bien même je vis en Belgique et Thierry à Monaco, mais nous sommes en contact permanent par téléphone, e-mail, et même Whatsapp. C’est vraiment facile, je sais ce dont Thierry a besoin pour préparer les événements en termes d’informations, et je pense que notre équipage a atteint le stade de maturité. Je sais donc parfaitement ce que j’ai à faire. Mais lorsque nous enregistrons un mauvais résultat, nous faisons un debriefing ensemble car il nous faut trouver ce qui n’a pas été, et ce que nous devons changer. Nous avons toujours cette mentalité.’’

M-Sport...

Nico a donc finalement atteint le WRC. Après des années en qualité de copilote dans les compétitions nationales et européennes, il a atteint le plus haut niveau de son sport. En 2013, avec Thierry, ils ont reçu un appel de M-Sport les invitant à rejoindre le team principal – c’était du très lourd, et leur talent leur avait permis de vivre ce moment. Mais il y avait un écueil…
“Je me rappelle qu’en 2013, lorsque nous avons eu le contrat M-Sport, j’ai été voir mes parents en leur disant ‘OK, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle – la bonne est que nous avons un contrat officiel pour un programme complet sur toute la saison. La mauvaise, c’est qu’il n’y a pas de salaire pour nous.’ Je n’étais pas sûr que mon job de grimpeur soit suffisant pour me permettre de louer un appartement, et j’ai donc demandé à mes parents si je pouvais revenir à la maison pendant une année. Et heureusement, ils ont dit oui. Mais c’était assez étrange, à plus de 30 ans, de demander à ses parents l’autorisation de revenir ! Pour moi, dans mon esprit, cela allait être la dernière saison. Je ne voulais pas mettre la pression sur Thierry, mais je savais qu’il me fallait un minimum de confort et je commençais à être frustré en voyant tous mes amis qui avaient fondé une famille, construit une maison, et j’étais totalement à l’opposé ! Mais j’ai mis toute mon énergie dans cette saison 2013, et ce fut une très belle saison, probablement la meilleure que nous avons eue jusqu’ici. Nous avons bénéficié d’un grand support de tout le team, et même si l’équipe ne possédait pas un budget complet, dès que nous demandions quelque-chose à Malcolm Wilson, il nous écoutait et faisait toujours le maximum selon les possibilités du team. A la moitié de la saison, nous étions son équipage de pointe. Le team nous a toujours soutenus à 100% et c’était génial d’en faire partie. »

... et Hyundai

Après une année plus que positive chez M-Sport, il était déjà temps de changer d’air. Une nouvelle marque débarquait en WRC, et ce team souhaitait disposer du duo à succès composé de Neuville et Gilsoul. Hyundai WRT signait donc le duo du WRC. Disposant d’un budget confortable, l’équipe était disposée à mettre toute son énergie dans le programme rallye, afin de réussir. C’était très excitant, et pour Nico et Thierry, cela représentait beaucoup !

“J’ai pu quitter la maison de mes parents ! C’était très excitant, avec d’innombrables nouvelles possibilités, et de nouvelles expériences. J’ai toujours travaillé avec des teams expérimentés, comme M-Sport, ou encore Kronos en IRC. Des gens d’expérience qui bossent efficacement. Bien sûr, avec une nouvelle équipe, il faut construire cette connaissance, et cela a mis du temps pour y parvenir. Nous avons tous travaillé très dur, afin de nous assurer que cela fonctionne. Nous avons goûté à la victoire lors de l’édition 2014 du Rallye d’Allemagne, ce qui était super. Et plus récemment en Sardaigne.’’

Même si la victoire est au final la chose la plus importante pour les équipes, pour l’heure, cela n’a pas été les moments favoris de Nico, qui préfère accorder plus d’importance aux vrais challenges et aux résultats lui semblant être ‘les meilleurs’. Certains disent qu’une deuxième place n’est rien, mais ce n’est pas le cas de Nico !

“Il est impossible de pointer un moment précis, tant il y a de bons moments en rallye. Je dirais que vu depuis la voiture, ce n’est pas la victoire, mais la deuxième place en Finlande avec la Fiesta en 2013, ou la deuxième avec la Hyundai en Suède en 2015 – vraiment un rallye pour grands garçons ! Dans la voiture, cela défilait vraiment très vite, et il fallait tout contrôler. Lorsque tout tourne comme vous le souhaitez, il est alors possible de réaliser de grandes choses.’’

Gilsoul peut n’avoir que 34 ans, mais il profite d’une expérience qui s’étend sur 20 années, et cette expérience ne s’est pas confinée au baquet de copilote. Il sait ce que cela représente pour un organisateur de mettre des rallyes sur pied. Il comprend la complexité du sponsoring et de la participation à des épreuves. Et en guise de cerise sur le gâteau, c’est un copilote de classe mondiale ! Mais de qui a-t-il puisé les conseils ? Qui l’a donc inspiré ?

“Dans mon cas, il n’y a pas eu une personne qui m’a tout appris, mais plutôt la combinaison de chaque bonne personne que j’ai rencontrée. Constamment, quand je rencontre quelqu’un, ou que j’ai la possibilité de travailler avec quelqu’un, j’apprends de la manière dont ces personnes font les choses. Je regarde et je tente de comprendre si je peux encore m’améliorer en appréciant leur manière de fonctionner. J’ai eu l’occasion de rencontrer tellement de personnes expérimentées tout au long de ma carrière, depuis les rallyes de régularité sur route jusqu’au WRC. Je n’ai jamais vraiment eu de mentor. C’est aussi quelque-chose de plus compliqué pour les copilotes. Il n’y a pas d’école du copilotage, il n’y a pas de livres, et si c’est le cas, ils sont sortis il y a 30 ans ! Le job a changé, et il change tout le temps en raison des nouvelles réglementations. Il faut donc se forger sa propre expérience. Pour moi, la clef lorsque j’ai disputé pour la première fois l’East African Safari Rally, c’était de rencontrer Denis Giraudet. Et je me demandais s’il me connaissait ! C’était très agréable de discuter avec lui de plein de choses. Il était agréable que tous les gars apprécient mon travail, et que lorsque je veux appeler l’un des anciens, des copilotes d’expérience, je sais que je peux le faire et qu’ils me conseilleront. Et ça, pour moi, c’est plus important qu’une seule et même personne.’’

Comme toujours, pour tout équipage, le but ultime est de remporter le championnat, d’être le meilleur. Ce qui est particulièrement vrai pour Nico…

“Mon objectif est d’être Champion du Monde avec Thierry, nous construisons quelque-chose ensemble, et nous sommes allés loin. Je réalise qu’il faut en fait réunir tous les ingrédients au bon moment à la bonne place. Et ça, c’est vraiment difficile à concrétiser. Il faut une super équipe, une voiture rapide, mais aussi un pilote et un copilote au sommet. C’est faisable !’’

Avec une telle expérience du copilotage, quel conseil Nico peut-il donner à celui qui veut entamer une carrière en rallye ?

“La clef, c’est la patience. Il faut être vraiment très passionné, et ne pas compter son temps au moment de préparer un rallye. Je me rappelle que pour un rallye national que je préparais, je découpais des cartes militaires. En fait, je dessinais les cartes ! Il faut être dedans et vraiment impliqué, et si ce n’est pas le cas, vous resterez dans la moyenne. Personnellement, mon but n’est pas d’être dans la moyenne. Je préférerais alors tout arrêter et commencer quelque-chose d’autre. C’est donc mon conseil. Si vous avez l’occasion de passer du temps à discuter avec des personnes expérimentées dans le domaine que vous choisissez, faites-le ! Ils ont la connaissance et ils peuvent aider à apprendre rapidement et éviter les erreurs. Cela m’a certainement aidé dans ma carrière !’’

Merci un million de fois à la charmante Becs Williams pour l’interview.
Suivez-la sur Twitter @Becsywecsy